Ce qui veut dire en français « Pendant ce temps en Espagne ». Pourquoi ? Qu’est-ce qui se passe en Espagne de si important ? Depuis plus d’un an le regard de nous tous se tourne vers l’Est, chaque jour il y a quelqu’un de la vie politique européenne qui fait une déclaration de ce qui se passe ou plutôt de ce qu’il croit se passer à l’Est sur notre cher continent. Les journaux en parlent, les émissions télévisées consacrent beaucoup de temps à ce sujet, nous pouvons lire et entendre des analyses de la situation actuelle, des pronostiques favorables ou défavorables.
Dernièrement c’était M. Podolyak, conseiller et proche collaborateur du président Zelensky qui était intervieuwé par la télévision France24:

Donc tout le monde suit les événements, tout le monde a son avis, personne n’est restée neutre. Parfois on est si occupé des problèmes qui sont géographiquement loin de nous que l’on ne voit plus les problèmes qui nous menacent de près.
Pourtant un phénomène dont le début ne date pas d’hier prend de plus en plus grand ampleur. Les actualités consacrent rarement des colonnes ou des minutes d’émissions pour en informer la population ou comme on dit l’opinion publique. L’opinion publique est en ce moment occupée. Mais de temps en temps il se passe quelque chose et ce phénomène se refait surface.
Actuellement ce sont les élections municipales en Espagne qui ont fait sortir ce phénomène au grand jour. Les élections municipales auront lieu le 28 mai, tout le monde se prépare, les politiciens font la campagne, les gens les écoutent ou pas et les partis politiques présentent leur listes avec les candidats. C’est normal, c’est l’un des piliers de la démocratie, jusqu’ici rien ne sort de l’ordinaire. Mais quand je lis qu’un des partis politiques du Pays Basque, le Bildu incorpore sur ses listes 44 personnes qui étaient condamnés auparavant pour terrorisme, dont sept pour meurtre je ne veux pas en croire mes yeux. Il y a d’ailleurs une lois en Espagne qui interdit de se présenter aux élections si la personne a été condamné pour terrorisme et elle n’a pas encore rejeté publiquement ses actes. Et ces personnes n’ont pas pris de pardon. Je considère donc que les limites de la démocratie semblent être atteintes même franchises.

Et ce phénomène, sous une autre forme, n’est pas inconnu en France non plus. Chaque année il y a des manifestations au Pays Basque français pour que les prisonniers, ex-membres de l’ETA puissent réintégrer dans la société. Il ne s’agit pas des hommes et des femmes qui se trouvaient malgré eux dans une action de ce group terroriste, non, il s’agit des hommes et des femmes qui savaient exactement ce qu’ils faisaient. Ils savaient qu’ils étaient en train de participer à un acte terroriste et il y a parmi eux qui étaient même des cerveaux, des auteurs de ces crimes.
Mais comment réintégrer quelqu’un dans la société qui pensait et peut-être qui pense toujours que la violence est nécessaire pour atteindre son but. Et dans cet article je ne voudrais pas analyser si leur but, c’est-à-dire l’indépendance du Pays Basque, est légitime ou pas. Ce n’est pas le sujet de cet article. Nous savons très peu des origines des basques, de leurs parents, de leur histoire. Tout se repose sur les mémoires de Jules César, permettez-moi de douter de l’authenticité de ses observations. Jules César, le grand opprimant de l’Europe de l’Ouest, son but n’était que soumettre tous les peuples à la grandeur de Rome. Il ne les connaissaient pas, il ne voulait qu’emparer de leur territoire, de leur savoir-faire, de leur talent et s’ils ne se soumettaient pas, il les a forcés à l’esclavage.
Non, la question n’est pas là, ne laissons pas que notre attention soit détournée de l’essentiel. La lutte pour l’indépendance d’un peuple est toujours sacrée et on a tendance à pardonner certaine chose en respectant la noblesse de l’objectif. Mais la véritable question n’est pas l’indépendance et sa légitimité. L’importance réside dans les moyens que tout ces gens utilisent pour arriver à leur fin, et l’influence de leurs actes sur la société et surtout sur la démocratie.
Pour commencer, l’ETA a été fondé en 59 pour lutter contre l’oppression exercée par le régime franquiste. Ils ont commis des attentats en grande partie contre les représentants du régime mais contre les gens aussi qui n’avaient rien à voir avec le régime, qui essayaient de vivre et qui étaient peut-être plus opprimés que les membres de l’ETA ne l’étaient jamais. Mais en 1975 Franco est mort et trois ans plus tard, en 1978 le roi Juan Carlos I a signé la Constitution qui a donné l’autonomie, la liberté et la démocratie pour tout le monde dans le pays.
Mais l’ETA ne cessait pas de continuer à commettre ses actes terroristes, cette fois pour l’indépendance du Grand Pays Basque (partie française incluse). Pendant son existence l’ETA a tué plusieurs centaine de gens même si le pire attentat de l’histoire de l’Espagne, celui de 11 de Mayo n’est pas son œuvre. Ses membres voyageaient souvent en France pour y réfugier, pour planifier leur prochain acte, mais la coopération entre les autorités françaises et espagnoles ont mis fin à ce privilège.
Je me rappelle les années 90, c’est là où j’ai commencé à me familiariser avec mes origines espagnoles, j’ai commencé à étudier la langue, la culture et j’ai été frappée par la diversité de l’histoire de ce beau pays. Mais je me rappelle également que chaque fois que l’ETA a commis un crime, des milliers de personnes sont sortis à la rue pour manifester contre l’ETA, contre la violence et contre le terrorisme. Des milliers de personnes, même dans les villes du Pays Basque, les basques aussi ont rejeté la violence.
Parallèlement à cela les membres de l’ETA ou des gens qui étaient proches du groupe terroriste ont commencé à travailler dans la politique, ils ont toujours nié qu’ils soient membres mais une lourde soupçonne pesait sur eux, surtout parce qu’ils ne voulaient pas en aucun cas condamner les actes terroristes de l’ETA. Il y avait parmi eux plusieurs qui ont été condamnés en lien avec l’ETA et qui ont purgé leur peine. L’un des figures les plus emblématiques était et l’est toujours Arnaldo Otegi, il est actuellement coordinateur général du Bildu mais il était à la tête de plusieurs partis politiques basques : Herri Batasuna, Euskal Herritarrok, Batasuna, Sortu.

Aujourd’hui il représente le parti politique Bildu et il prône toujours pour la réintégration des anciens condamnés proche de l’ETA dans la vie politique et il revendique toujours sa lutte contre l’oppression politique du gouvernement espagnol. De tous les gouvernements espagnols indépendamment de quel parti politique il est issu. Les partis indépendantistes basques sont d’ailleurs traditionnellement de l’extrême gauche mais cela peut venir des origines de l’ETA puisqu’il a été fondé quand l’Espagne était sous le régime extrême-droite de Franco.
En France aussi on retrouve les mêmes pas forcément partis mais plutôt des associations dit « abertzale », leurs membres ont l’habitudes d’adhérer à d’autres partis politiques français de la famille des gauches (prenons l’exemple de Mme Brao, conseillère de Biarritz, membre de l’Euskal Herrian Vert et Solidaire, un parti politique à Biarritz et qui était soutenue par EELV durant les élections municipales de 2020). De cette manière ils peuvent faire la politique au niveau national aussi.
La démocratie permet à tout le monde de s’exprimer et de travailler pour atteindre son objectif à condition que cet objectif n’est pas une menace à la société et à la démocratie.
Pour comprendre pourquoi je trouve ce phénomène dangereux, essayons de voir ce qui se passerait si on confiait la gouvernance d’un pays à des gens qui sont tellement habitués à commettre des actes de violence pour arriver à leur fin qu’ils ne sont plus capables de faire la différence entre légal, illégale, légitime, illégitime. Leur âme est si impreigné de violence qu’il la justifie en toute circonstance.
Ne soyons pas bien sûr naïfs, la démocratie aussi fait recours à la violence. L’État a plusieurs organisations légales à sa disposition : la police et l’armée mais l’idée est de les engager uniquement pour protéger et pour se protéger. Lors des manifestations on voit que quelque fois il arrive malheureusement que des innocents sont blessés par la police, des gens qui n’étaient pas violents, ils ne faisaient qu’exercer leurs droits de manifester. On voit donc que même avec l’idée d’utiliser la violence uniquement pour défendre la société de ceux qui menacent la sécurité des autres peut mal tourner, alors qu’est-ce qui se passerait si cette idée de protéger n’existait pas ?
On saute sans scrupule ceux qui ne sont pas de son avis, on tue ses adversaires politiques, on utilise l’armée pour oppresser ceux qui manifestent pour défendre ses propres valeurs ? On va utiliser la police et l’armée pour poursuivre et opprimer les opposants ?
On a déjà vu cela dans l’histoire à plusieurs reprises, cela s’appelle la dictature. Mais je crains que ce ne soit encore pire, j’ai peur pour notre société parce que si des gens qui ont la violence dans leur instinct arrivent au pouvoir, ils vont l’utiliser pour faire prévaloir ses principes. Mais quels principes en fait ?
On saute, on brûle, on condamne ceux qui ne suivent pas leur idéologie s’il y en a ? On poursuit, on assassine, on établie des listes noires, des listes des personnes à éliminer où figurait tout le monde qui oserait dénoncer ces actes de violence commis au nom de l’indépendance ?
Ce serait l’avenir ? Comment intégrer et réintégrer dans la société des gens qui n’acceptent pas les principes de cette société ? C’est-à-dire se battre de façon pacifique ?
On dit souvent que tout le monde a le droit à une deuxième chance mais pas pour commettre les mêmes erreurs et faire accepter un mode de penser qui détruirait la société. La deuxième chance sert à réparer ses erreurs. Mais s’il ne regrette pas ses actes, s’il ne demande pas de pardon pourquoi lui donner une deuxième chance ?
Pardonnez-moi qu’aujourd’hui je me suis permis d’écrire un article aussi subjectif. Je suis de toute façon blogueuse et pas une journaliste, je ne dois pas rester objective. Mais la raison pour laquelle j’ai écrit de façon si intime, c’est parce que je suis triste, et je ne trouve pas les mots à décrire à quel point ce phénomène et le manque de la réaction de la part de la société me rendent triste. J’avais toujours une foi immense en la bonne volonté de l’humanité, en sa capacité de réfléchir, de faire des déductions. L’homme est doté d’intelligence, il a la capacité d’apprendre soit de ses propres erreurs soit des erreurs commises par d’autres personnes. Mais aujourd’hui il me parait que l’humanité a littéralement perdu ses capacités.
Si je vois que notre société laisse détruire ce qu’elle a construit pendant des siècles, je ne vois pas la prochaine étape. Est-ce que ce sera l’autodestruction totale ou ce sera un renouveau ? Ce qui se passe en Espagne ne me rassure absolument pas et si je me tourne vers l’Est, je vois le futur vraiment sombre.
Et parfois j’ai l’impression que je vois double.